Les admirables Les mots de Victor Hugo après sa découverte de Bruxelles

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Écrit par Frédéric Solvel - 11 août 2015, 00:00 (Mis à jour: 09 mars 2022, 17:31)
Les mots de Victor Hugo après sa découverte de Bruxelles
"Chère amie, je suis tout ébloui de Bruxelles." C'est ainsi que Victor Hugo commence une lettre qu'il envoie à sa femme depuis Bruxelles en août 1837.

La toute première fois que Victor Hugo découvre Bruxelles, il y vient au bras de sa maîtresse Juliette Drouet en tant que touriste. Il a 35 ans et est déjà connu pour son œuvre Notre Dame de Paris. En cette fin d’été 1837, la ville lui fait forte impression...

Le lettre du 18 août 1837

"Chère amie, je suis tout ébloui de Bruxelles, ou pour mieux dire, de deux choses que j'ai vues à Bruxelles: l'Hôtel de ville avec sa place, et Sainte-Gudule.

Les vitraux de Sainte-Gudule sont d'une façon presque inconnue en France, de vraies peintures, de vrais tableaux sur verre d'un style merveilleux, avec des figures comme Titien et des architectures comme Paul Véronèse. La chaire en bois sculpté de Henry Verbruggen qui est dans l'église date de 1699. C'est la création tout entière, c'est toute la philosophie, c'est toute la poésie figurées par un arbre énorme qui porte dans ses rameaux une chaire, dans ses feuillages tout un monde d'oiseaux et d'animaux, à sa base Adam et Eve chassés par l'ange triste et suivis par la mort joyeuse et séparés par la queue du serpent, à son sommet la croix, la Vérité, l'enfant Jésus et sous le pied de l'enfant la tête du serpent écrasée. Tout ce poème est sculpté et ciselé à plein chêne de la manière la plus forte, la plus tendre et la plus spirituelle. L'ensemble est prodigieusement rococo et prodigieusement beau. Que les fanatiques du Sévère arrangent cela comme ils voudront. Cela est. Cette chaire est dans l'art un des rares points d'intersection où le beau et le rococo se rencontrent. Vatteau et Coypel ont trouvé aussi quelquefois de ces points-là.

J'avais déjà vu à Mons une église belge, fort belle vraiment et du quatorzième siècle, Sainte-Waudru. L'intérieur de ces églises-là fait honte à nos cathédrales. C'est partout un luxe, un soin, un zèle, une propreté, un ameublement exquis des chapelles, un ajustement splendide des madones qui indigne contre nos églises si sales, si nues et si mal tenues. Si ces braves belges ne badigeonnaient pas de temps en temps, on n'aurait qu'à admirer. Sainte-Waudru pourtant n'est pas barbouillée, mais Sainte-Gudule l'est. 

Quand je suis entré dans Sainte-Gudule, il était trois heures. On célébrait l'office de la Vierge. Une madone couverte de pierreries et vêtue d'une longue robe de dentelle d'Angleterre étincelait sous un dais d'or au milieu de la nef à travers une lumineuse fumée d'encens qui se déchirait autour d'elle. Beaucoup de peuple priait immobile à genoux sur le pavé sombre, et au-dessus un large rayon de soleil faisait remuer l'ombre et la clarté sur plusieurs grandes statues d'une fière tournure adossées aux colonnes. Les fidèles semblaient de pierre, les statues semblaient vivre.

Et puis un chant admirable coupé de voix graves et de voix claires tombait mystérieusement avec le bruit de l'orgue des plus hautes travées perdues dans la vapeur. Moi, pendant ce temps-là, j'avais l'œil vaguement fixé sur la chaire fourmillante de Verbruggen, chaire magique qui parle toujours. Encadre ceci de vitraux, d'ogives, et de tombes de la Renaissance en marbre noir et blanc, et tu comprendras qu'il résultait de cet ensemble une sensation sublime.

L'hôtel de ville de Bruxelles est un bijou comparable à la flèche de Chartres ; une éblouissante fantaisie de poète tombée de la tête d'un architecte. Et puis, la place qui l'entoure est une merveille. A part trois ou quatre maisons que de modernes cuistres ont fait dénaturer, il n'y a pas là une façade qui ne soit une date, un costume, une strophe, un chef-d'œuvre. J'aurais voulu les dessiner toutes l'une après l'autre.

Je suis monté sur les clochers de Sainte-Gudule. C'était beau. Toute la ville sous mes pieds, les toits et volutes de Bruxelles à demi estompés par les fumées, le ciel (un ciel orageux) plein de nuages dorés et frisés par le haut, coupés ras comme marbre par le bas, au fond une grosse nuée lointaine d'où tombait la pluie comme du sable fin d'un sac qui se crève, le soleil jouant dans tout cela, la magnifique lanterne à jour du beffroi se détachant sombre sur les vapeurs blanches, et puis le bruit confus de la ville qui montait, et puis la verdure des belles collines de l'horizon, c'était vraiment beau. J'ai tout admiré comme un provincial de Paris que je suis, tout, jusqu'au maçon qui cognait sur une pierre et qui sifflait à côté de moi. 

Bruxelles m'a fait oublier Mons, et pourtant Mons vaudra peut-être que je t'en reparle, car c'est une ville charmante. Mais pour aujourd'hui, mon Adèle, tu dois en avoir assez de mes pierres et de mes églises, et je crois t'entendre me gronder gaiement de ma manie. Chère amie, ne t'en plains pas. Les églises me font penser à toi. Je sors de là vous aimant tous plus encore, s'il est possible. Je t'embrasse ainsi que ton bon père. Dis à Didine et à Dédé, dis à Charlot et à Toto de s'entr'embrasser en mon nom. Je bois de la bierre comme un flamand. La bière de Louvain a un arrière-goût douceâtre qui sent la souris crevée. C'est fort bien. Je t'embrasse, mon pauvre ange."

 

Avant d'autres séjours à Bruxelles

Cette première visite en appela d'autre et si vous aviez vécu à Bruxelles entre 1851 et 1871, vous auriez peut-être eu la chance d’apercevoir Victor Hugo à la fenêtre de sa chambre Grand-Place, de le surprendre en train de s’échapper de l’appartement de sa maîtresse dans les Galeries Saint-Hubert ou encore d’assister à l’avant-première des Misérables au Théâtre Royal des Galeries… Autant d"épisodes qui ont rythmé les 500 jours bruxellois de Victor Hugo.

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